SÉMINAIRE DE TEXTES

Le samedi de 14h à 15h30, trois ateliers avec Christelle Sandras et Michel Grollier ; Ariane Oger et Emmanuelle Borgnis-Desbordes; Danièle Olive et Anne-Marie Le Mercier

 

Les effets des politiques de la vie

Qu’il s’agisse de l’origine de la vie, avec PMA, GPA et dons de gamètes, du mouvement pro-life grandissant aux USA, des espoirs d’immortalité portés par les biotechnologies ou encore du projet de loi sur l’euthanasie et le suicide, la vie et la mort agitent notre modernité et sa culture post-moderne du no limit. Dans le même temps, la guerre dans ses variétés, les catastrophes liées à l’émigration envahissent nos écrans pendant que la menace écologique angoisse autant qu’elle mobilise les nouvelles générations. Les apports de Freud et de Lacan nous serons précieux dans l’abord, sur ces points particuliers, de la subjectivité de notre époque [1].

Freud en effet isole dans la civilisation le principe même de la guerre et de sa permanence. La guerre est un fait de discours. Capturer la jouissance par le pouvoir du signifiant, des idéaux, bonheur, progrès, justice, la rend dans le même temps, insatiable et mortifère [2]. Freud donnera à cette force le nom de pulsion de mort, Lacan celui de jouissance.

« La mort est du domaine de la foi [3] », déclare Lacan à Louvain. La vie comme la mort échappent à notre représentation ; si l’homme se sait mortel, il ne peut cependant penser sa propre mort. Mais là où la crainte de la mort est volontiers mise en avant, Lacan met l’accent sur l’insoutenable de la vie et cette nécessité de croire que nous allons mourir pour trouver à la supporter. Le pari de Pascal rend sensible ce choix forcé, jouer sa vie, l’inscrire comme perte, pour y donner du sens. C’est en effet en ce point de hors sens que gît l’appel aux religions dans leur diversité.

« Nous ne savons pas ce que c’est que d’être vivant, sinon qu’un corps cela se jouit [4] ». Cette approche de la vie à partir du nouage entre la langue et le corps comme condition de la jouissance, trouve son répondant dans la clinique « du désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie ». J.-A. Miller nous invite à y être attentif tant du côté des psychoses ordinaires que de celles dites extraordinaires, sachant que les névrosés aussi bien ne sont pas sans ressentir à l’occasion un tel désordre.

C’est par le signifiant que s’introduit l’instance de la mort, par lui que s’accomplit dans le même mouvement une éternisation du sujet. Le rêve de l’homme pensé comme une machine, nourrit toujours plus les demandes adressées à la médecine et à la science. Pourtant, le rapport du parlêtre à ce qu’il est comme vivant ne peut être pensé sans la mort et sans la jouissance du corps.

L’angoisse de la fin du monde, l’imaginaire de l’apocalypse ont toujours existé, mais avec les avancées de la science l’idée que l’humanité serait cette espèce assez rare susceptible de se détruire elle-même [5] a pris de la consistance. L’urgence écologique, les migrations qui l’accompagnent, la mise en question généralisée du désir d’enfant nous le rappellent au quotidien. Que serait alors une « écologie lacanienne ? 6] »

Les politiques de la vie touchent aux dimensions de la limite et de l’impossible et mobilisent des questions éthiques. Si les psychanalystes s’enseignent au cas par cas des effets de ces politiques sur les sujets, ils sont aussi attentifs à lire leur époque et à dire comment ils y répondent.

Les six séquences de l’année déclineront :

• Le malaise dans la civilisation. Que nous apprend la guerre ?

• L’insupportable de la vie. Le pari de Pascal et le fait religieux.

• Le sentiment de la vie avec une présentation de malade et « Effets retour sur la psychose ordinaire [7] ».

• Désir d’immortalité, et no-limit dans les demandes adressées à la médecine et à la science. Prise en compte du corps avec Lacan.

•Écologie, éco-anxiété, désir d’enfant, migrations.

• Les effets des politiques de la vie, procréation, traitement de la souffrance et de la fin de vie. Lecture et réponses avec la psychanalyse.

 

[1]. Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 321.
[2] Prost P., « Pourquoi la guerre ? » L’Hebdo-blog 24, 16 mars 2015.
[3]. Lacan J., « Conférence de Louvain », La Cause du désir, no 96, Paris, Seuil, 2017, p. 11.
[4]. Lacan J., Le Séminaire, livre xx, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 26.
[5]. Cf. Wajcman G., « Le troisième œil », Les experts, 2012.
[6]. Cf. « Écologie lacanienne », Mental no 46, Revue internationale de psychanalyse, Paris, Seuil, novembre 2022.
[7] Miller J.-A., Effets retour sur la psychose ordinaire, Quarto n°94-95, 2009, P. 40 à 51.
Dernière modification : 24/08/2023

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