I – Ceux qui s’exposent sur les réseaux
Les réseaux sociaux, nous les utilisons (presque) tous. Ils ne cessent d’évoluer depuis l’émergence déjà ancienne de la téléréalité, en réagissant aux effets et revers parfois dramatiques qu’ils provoquent, mais aussi en intégrant les avancées de la science, notamment l’intelligence artificielle. Ils se sont imposés sur les écrans des ordinateurs et des smartphones, et leurs algorithmes en façonnent les contenus. Nombre de sujets reçus en institutions sont nés dans cette culture. Les chiffres de ces consommations sont connus et donnent lieu à des réflexions en termes de santé publique. Mais qui sont ces sujets qui s’y exposent, au risque d’en incarner le produit ? Quelle est la subjectivité du youtubeur, du streamer, de l’influenceur, ou de chaque individu qui veut communiquer par ces outils ? La question de ce qui s’expose dans ce lieu et ce lien social devient dès lors centrale.
S’exposer, c’est manifester son désir d’être remarqué, d’intéresser les autres à ce qu’il y a d’unique en soi, plus qu’à un contenu dont il s’agirait de débattre. L’imaginaire d’une promesse de célébrité se noue à l’illusion d’une intimité partagée. Pour certains, s’exposer permet de s’animer et de se donner une identité, une personnalité ou un corps. Pour d’autres, il s’agit de sortir de l’isolement ou de traiter une inhibition ou une angoisse.
Mais la réponse issue de la masse anonyme peut parfois faire effraction et ravage, venant mettre à mal la solution trouvée. À celle ou celui qui s’expose sans pudeur répond la crudité, voire la cruauté d’un message en retour, quand ce qui est présenté à l’autre comme une image désirable est renvoyée au sujet comme infâmante.
Accueillir la façon dont chacun(e) tente de se débrouiller des réseaux sociaux nécessite du tact et une orientation précise, afin de soutenir ce qui peut faire étayage et limite à l’appel du regard pour un sujet. Ceci s’obtient, parfois avec beaucoup de patience, par un dire adressé sous transfert à un autre non anonyme. Une sphère privée peut alors se construire, où l’intime
II – Ceux qui trafiquent
Le trafic va de l’artisanat de la débrouille au deal organisé à grande échelle. Il témoigne du malaise dans la civilisation où le capitalisme financier a pris le relais du capitalisme industriel, le profit immédiat tiré du jeu de la finance remplaçant le gain issu de la production par le travail. Les valeurs et les idéaux sont atteints, au sens où l’imaginaire de la puissance liée à la fortune vite amassée prend le pas sur la stratégie d’un effort au long cours dans la société. Le deal semble moins qu’avant traduisible par le terme de négociation, depuis qu’un président l’a érigé en exercice de la force par le pouvoir de l’argent. La valeur de la parole et du pacte symbolique s’en trouvent fragilisés.
Dans la clinique, trafiquer implique une position où le sujet privilégie sa jouissance propre, tout en négociant avec l’Autre ou en le trompant. On peut repérer les enjeux économiques et éducatifs menant des enfants ou des adolescents, voire des adultes, à se laisser prendre dans les rails du trafic. Mais cela suffit-il pour les amener à saisir ce qui leur est arrivé quand cette jouissance est devenue aussi addictive que les objets auxquels elle donne accès ?
Le trafic peut faire fonction de lien social, il peut traiter l’isolement, l’ennui, des difficultés identificatoires. Il peut donner un sentiment de promotion par l’intelligence et les savoir-faire mis en jeu pour déjouer la loi, il évite de se confronter au manque et permet parfois de se croire généreux à moindre coût. Mais cet imaginaire se paie d’un prix très lourd : celui de l’assujettissement à un réseau, de l’exploitation de son corps, de ses compétences, de sa libido au profit de quelques autres intraitables et inaccessibles. Le sujet fasciné par le gain se découvre lui-même objet du trafic sans pouvoir s’en séparer.
Le dialogue est alors difficile car une loi du silence s’ajoute aux difficultés du sujet à mettre son histoire en récit. Comment accrocher un lien sans vouloir trop en savoir, sans vouloir le remettre à tout prix dans le circuit légal ? Comment se faire partenaire du sujet sans se sentir complice de ses actes, sachant qu’il lui faudra du temps pour subjectiver son économie personnelle ? Une clinique à plusieurs est certainement nécessaire, mais l’orientation de celle-ci est importante pour qu’un transfert se noue, et que le sujet souvent vulnérable se donne de nouveaux étayages, consente à perdre la part de jouissance liée à ses objets, pour orienter sa libido dans un lien à l’autre et à l’Autre plus tempéré.
III – Ceux qui sont sans limites
Le « sans-limites » est un trait de notre époque. La mondialisation a rendu les frontières poreuses, les entreprises sont multinationales, le réseau internet a subverti les contraintes de temps et de distances, les inventions et les pandémies circulent toujours plus rapidement, les produits de consommation arrivent sans délais de tous les coins du monde, quasiment sans contrôle. La liberté d’expression et le droit à jouir librement ont effacé les idéaux qui déterminaient précédemment des parcours de vie. L’individu moderne se trouve profondément affecté par ce « monde liquide ».
Un des effets de ce mouvement sans retour se rencontre chez des sujets de tous âges ; sans boussole, ils sont happés par une sollicitation constante de multi-activités et vivent selon leurs propres codes. Rétifs à tout effort de concentration, ils bavardent dans un discours sans point d’arrêt, passent d’un emploi à l’autre, d’une relation à une autre, d’un achat à un autre, prisonniers d’une exigence pulsionnelle sans frein, ce qui, à l’occasion, les angoisse. Sans doute trouvent-ils parfois une place dans des dispositifs prescrivant des réglages comportementaux qui les soulagent momentanément. Rejets, réprobations, désaveux familiaux, institutionnels, peuvent alors se faire moins bruyants… pour un temps, jusqu’au moment où la compulsion reprend le dessus.
Comment permettre à ces sujets d’éprouver une existence propre à leur donner une place dans le lien social ? Comment apaiser une demande pour qu’elle se fasse moins injonctive ? Comment border un monde ouvert à toutes les sollicitations ? Ceci nécessite de nouer une relation tranquille qui, via le transfert, introduise une discontinuité dans le flot pulsionnel, et permette de mettre en évidence des signifiants, des objets ou des savoir-faire par lesquels le sujet en détresse puisse se singulariser.
1er après-midi : Ceux qui s’exposent sur les réseaux – vendredi 13 mars 2026 – 13h30-16h30
2e après-midi : Ceux qui trafiquent – vendredi 26 juin 2026 – 13h30-16h30
3e après-midi : Ceux qui sont sans limites – vendredi 18 septembre 2026 – 13h30-16h30
MONTANT DE L’INSCRIPTION :
Prise en charge par l’institution : L’ensemble de la formation : 180 € ; Deux demi-journées : 120 €; une demi-journée : 60 €
A titre personnel : L’ensemble de la formation : 100 € ; deux demi-journées : 70 €; une demi-journée : 40 €